mercredi 15 novembre 2017

Les malagasy et la beauté – 2

novembre 15, 2017 0 Comments


Diversifier la définition de la beauté

Nous avons pu voir précédemment un petit tour d’horizon de l’impact des standards de beauté occidentaux dans la société malgache. Nous sommes de plus en plus nombreux (ses) à vouloir entrer dans le moule du corps parfait tant vanté par les médias. Le résultat ? Beaucoup de femmes se sentent mal dans leur peau tandis que d’autres vont jusqu’à se montrer critiques, voires méprisants envers celles qui ne se plient pas ou qui ne correspondent pas à ces standards (Comme certaines attaques contre les filles aux cheveux crépus au sein de groupes de discussion que j’ai remarqué sur Facebook et que j’ai d’ailleurs évoqué ici).

S’affranchir des normes imposées


La beauté ne peut tenir dans un seul carcan et la beauté malagasy n’y fait pas abstraction. Nos différentes ethnies ont chacunes leurs spécificités physiques, qui ne ressemblent à aucune autre. Ce serait dommage vouloir uniformiser cela afin de la faire correspondre à un modèle impossible à atteindre. D’autant plus que le culte de l’apprence physique peut avoir des conséquences catastrophiques. 

 Quid des concours de beauté?  



Les concours de beauté sont des compétitions, mais ils sont aussi des événements sociaux où les participants auront suffisamment de temps pour parler entre eux, partager leur intérêt commun et aiguiser leur esprit de compétition. Ceci dit, l’on peut se poser la question sur leur impact à grande échelle, puisque le public a tôt fait de se dire que s’il ne ressemble pas aux gagnants(es), il n’est pas assez bien physiquement. La solution serait peut être de prendre en compte des critères plus réalistes et qui correspondent mieux aux caractéristiques de la population malgache pour nos concours de beauté et se baser aussi un peu mieux sur l’intellect. 

mardi 14 novembre 2017

Les malagasy et la beauté

novembre 14, 2017 0 Comments


Quand les canons de beauté occidentaux nous font oublier qui nous sommes


La beauté est une affaire de goûts personnels, mais il est indéniable qu’actuellement, il est impossible de ne pas se laisser influencer par les canons de beauté internationaux. Longues jambes, seins et fessiers rebondis, mais pas trop, visage clair aux traits parfaitement symétriques, le tout courroné de longs cheveux lisses. À Madagascar, nous sommes très loin d’y réchapper. Les canons de beauté en vigueur à l’étranger nous atteignent et altèrent notre vision de la beauté. 
Les cheveux crépus ou "Ngita volo", une caractéristique physique qui déplaît encore à Madagascar


Vu sur Facebook : un blog publie une photo d’une « Miss » représentant Madagascar dans un concours international: une jeune fille à la peau noire, ni mince ni grosse, taille moyenne et joli minois: c’est une beauté malgache à 200%. 
Pourtant, les commentaires négatifs sur son physique pleuvent : « Tiens, il n’y a plus de critères de taille pour être Miss maintenant ? » / « Elle à l’air d’une boniche alors que toutes les autres candidates sont belles. Ils n’ont vraiment rien trouvé de mieux pour représenter Madagascar ?» / « Ça ? Une Miss ? Mais elle est grosse ! » / « Elle est grosse, elle est petite, et elle n’est pas belle. Ce n’est pas une Miss ». 

Être malagasy c'est bien ressembler à un vazaha, c'est mieux!

D’abord, je vais passer outre sur la grossièreté et la méchanceté de ces commentaires, car je vais finir par devenir très vulgaire. Penchons-nous seulement sur le fait que la plupart critiquent son apparence physique. Quoi de plus normal direz-vous, c’est un concours de Miss. Et cette jeune femme représente Madagascar, où la taille moyenne des femmes tourne autour des 1m55 (selon l’enquête démographique et de Santé de l’INSTAT). Mais comme on se base sur les canons de beauté occidentaux, on la trouve petite alors que selons nos critères à nous, elle est de taille moyenne, voire même plus grande. 


Pour le tour de taille, c’est pareil. Les femmes malagasy sont généralement de corpulence moyenne, avec plus ou moins de formes. Beaucoup considèrent qu’une miss ne devrait pas avoir de formes, mais plutôt répondre au critère de longues jambes, mince (plus les clavicules sont saillantes et mieux c'est) et sans trop de courbes (que l’on a tôt fait de confondre avec de la graisse).

Et pour ce qui est des cheveux, quoiqu’on en dise, avoir des cheveux crépus est très mal vu par les malagasy, le mot « ngita » (crépu) étant encore très péjoratif et assimilé au fait d’avoir des cheveux laids « ratsy volo », « mahery volo ». En effet, avoir des cheveux lisses est un critère de beauté répandu, rien qu’à voir le succès des produits lissants sur le marché. Tous les malagasy n’ont pas les cheveux crépus, mais ceux qui sont concernés ont vite fait de les lisser, obéissant à une pression de la société, même si cette dernière est indirecte. Les tresses, coiffure traditionnelle de toute beauté, sont encore adoptées certes, mais beaucoup ne les jugent « pas assez jolies» voire même négligées. Petit test, allez à une cérémonie un tant soit peu officielle, vous pourrez compter les femmes malagasy ayant les cheveux tressés sur les doigts. Si les tresses sont revenues en force ces dernières années, ce n’est pas par amour des traditions ou autre cause plus noble. Non, la mode internationale était aux tresses, et nous avons suivi le pas. Point. En sortant d’une coiffure, une malagasy aux cheveux crépus peut s’attendre à toute une panoplie de soins pour lisser, « dompter », ou même camoufler son type de cheveu, mais, à ma connaissance, aucun salon de coiffure ne propose de vous aider à donner toute sa splendeur à votre cheveu afro. 

Enfin, la couleur de peau. Actuellement, la dépigmentation est encore largement pratiquée, avec des méthodes parfois dangereuses pour la santé. Les crèmes  éclaircissantes à base de corticoïdes sont vendues sur les marchés pour celles qui ont des revenus moyens tandis que les plus aisées misent sur un maquillage qui éclaircit leur teint de quelques tons et les soins en institut qui peuvent valoir une petite fortune. 

Les canons de beauté occidentaux sont dans toutes les têtes. Les habits traditionnels ne sont plus portés qu’en de rares occasions, les cheveux crépus se défrisent et les modèles de beauté cités par la plupart des jeunes sont les stars hollywoodiennes. 
Je n'ai rien contre le brushing, le maquillage, les perruques et tout l'attirail dont nous usons pour nous sentir mieux dans notre peau. Non, mon problème réside dans la perte d'identité occasionnés par les canons de beauté occidentaux. La beauté malagasy est très diversifiée: nous n'avons pas tous la même taille, le même type de cheveu et la même corpulence et si nous commencons à nous plier à tout prix aux standards de beauté occidentaux, nous arrivons à des réflexions stupides comme celles que nous avons vues précédemment, à propos de la Miss vue sur Facebook. La beauté est subjective, tout le monde n'en a pas la même vision, ainsi, il est vain de vouloir la faire entrer dans un moule aussi étroit et limité. A bon entendeur... 


mercredi 11 octobre 2017

Est-ce que la femme est faite pour entreprendre ?

octobre 11, 2017 0 Comments
Il y a encore très peu d’études qui font le lien entre le sexe et la faculté à entreprendre. Cependant, l’étude Entrepreneurs BNP Paribas 2017 en France révèle que 2/3 des femmes considèrent plus difficile de créer leur entreprise pour elles que pour un homme. Le Baromètre des femmes entrepreneures de la Caisse d’Epargne nous révèlent que 30% des créations d’entreprises sont menées par des femmes. Il s’agit bien entendu de chiffres à mettre dans le contexte français.

Alors, est-ce que le fait d’être une femme influencerait la fibre entrepreunariale ? L’ADN ou les chromosomes y serait-il pour quelque chose ?
Dans la société actuelle, l’entreprenariat se présente comme une solution qui permet aux femmes de gagner de l’autonomie financière. Certaines ont réussi à se faire connaître mais nous sommes encore trop peu nombreuses à être visibles dans le monde de l’entreprenariat. Rien que pour faire un petit test, essayez de chercher « Leader » dans les divers moteurs de recherche et vous verrez que la majorité des images sont celles d’hommes. Cela ne veut cependant pas dire que les femmes qui entreprennent n’existent pas.

Un manque de représentativité

En effet, le problème se situe en fait dans le manque de représentativité. A Madagascar par exemple, de nombreuses associations et ONG poussent les femmes à entreprendre mais une fois lancées, celles qui se font connaître pour leurs réalisations ne bénéficient pas encore de beaucoup de visibilité.
Que ce soit pour les femmes ou les hommes, l’entreprenariat demande toujours une motivation forte et un goût du risque non négligeable. Mais l’essentiel est d’oser se lancer, innover, réussir et même se tromper ! Ce n’est donc pas une histoire de chromosomes, d’origine ou de sexe !

Quelques exemples de femmes malgaches qui se sont lancées dans l’entreprenariat


Les femmes malgaches qui se sont lancées dans l’entreprenariat sont très nombreuses. Elles oeuvrent dans des domaines variés : dans la beauté, on peut citer la Maquilleuse connue sous le nom de Lilou Maquilleuse, dont les ateliers sont maintenant de véritables événements attendus par les modeuses.  Cette jeune femme a su, à force de travail, se faire un nom dans le milieu de l’esthétique, et ce, sans même avoir eu recours à des publicités massives dans les médias audiovisuels. Il y a également  Sanda Randriamifidimanana qui a entre autres créé l’agence de communication Coréali qui a gagné récemment gagné le prix HEC Paris du meilleur sous-traitant. Quelques exemples concrets de femmes malgaches qui se sont lancées dans l’entreprenariat qui y réussisent haut la main ! 

vendredi 15 septembre 2017

Pourquoi les malagasy ne s’embrassaient pas sur la bouche ?

septembre 15, 2017 0 Comments

Je voulais faire un article concernant les relations conjugales dans la société malagasy. Comme d’habitude, je ne voulais pas me fier qu’à mes observations et expériences personnelles (qui sont à peu près nulles vue que je n’ai pas encore mariée avec qui que ce soit) et je suis donc vaillamment partie à la recherche de sources fiables et c’est là que je suis tombée sur un livre décryptant les démonstrations d’affection du mari et la femme dans notre société. Et c’est un sujet qui m’intéresse beaucoup, m’étant demandée étant petite pourquoi les parents malagasy ne faisaient pas « comme dans les films ». Oui j’étais une enfant précoce… :-p
Plus sérieusement, il y a encore quelques années, les démonstrations d’affection tactiles n’étaient pas aussi usuelles qu’aujourd’hui par chez nous, du moins en public, que ce soit entre les parents ou vis-à-vis des enfants. Ce n’était absolument pas parce qu’il y avait un manque d’amour, c’était juste culturel. Quand j’étais petite, devant les scènes de baisers à la télé, les adultes étaient toujours passablement gênés et ma chère maman ne manquait jamais de s’agacer : « Vraiment, c’est vazaha avec leurs échanges de salive ! C’est d’un indécent ! ». Bien sûr, aujourd’hui, nous sommes plus libérés dans nos mœurs et les bisous bien baveux, on connaît et on pratique. Nous sommes plus démonstratifs, même en public. Ainsi, voilà pourquoi j’ai formulé ma question au passé : Pourquoi les couples malagasy ne s’embrassaient pas sur la bouche ? Par pudeur ? Par hygiène ? En fait, ce n’est rien de tout cela :
Les malagasy n’embrassaient pas à l’européenne, entendez sur la bouche, le front ou encore les joues y collant leurs lèvres. A la place, ils avaient l’habitude d’approcher le nez du visage ou des cheveux et d’y faire une forte aspiration, comme pour flairer ou comme pour sentir une fleur. D’où les mots « oroka » et « manoroka » pour dire embrasser. Il s’agit d’un point commun que nous avons avec tous les peuples d’Océanie où l’embrassade va plus loin que l’idée de sensualité. Pour nous malagasy, le souffle, soit l’air que l’on exhale par la bouche est plus qu’un signe de vie. Le « fofon’aina » ou souffle est une émanation de l’âme, et en mêlant donc nos haleines, nous unissons nos âmes. C'est un symbole très fort, presque sacré pour nous malagasy. En outre, ce geste d’amour et d’affection était strictement fait dans un cadre intime et était réservé aux maris et femmes, aux amants, aux enfants, mères, grands-parents et petits enfants.
Bref, dans notre culture, embrasser quelqu’un est quelque chose de très significatif et est plus qu’une marque d’affection banale. Comme nous sommes de plus en plus européanisés, nous avons tendance à l’oublier. Alors essayons de penser plus souvent à la signification de nos gestes au quotidien dans notre culture pour nous rendre compte de leur vraie valeur.

Pela 

vendredi 1 septembre 2017

Top 5 idées reçues sur les côtières

septembre 01, 2017 0 Comments

Crédit: Stockphotos


J’aime bien parler de mes origines, comme vous l’avez sans doute constaté et malgré quelques points qui restent à améliorer par-ci par-là dans ma région, j’en suis fière. Par ailleurs, j’ai grandi dans la capitale et je ne peux m’empêcher de remarquer que parfois, certains Merina (originaires des Hauts-Plateaux) ont des idées bien arrêtées sur les « côtières ». Que ce soit en mal ou en bien, voici un petit top des idées reçues que j’ai pu recenser.

N°1 – Les côtières ne sont pas farouches, ni au lit, ni ailleurs.

Il semble bien que les filles qui viennent de la côte ont une réputation comme quoi nous ne sommes pas du genre maladroites ni timides au lit. Euh….D’où ça vient ? Aucune idée. Peut être que parce que comme il fait plus chaud sur les côtes et que du coup on met des vêtements plus légers, les gens ont tendance à penser que sexuellement nous sommes plus épanouies ? Et peut être aussi que parce que nous avons tendance à parler fort (ha, ha, ça j’avoue je le fais), on dit de nous que nous ne sommes pas timides. D’ailleurs, il y a ceux qui ont vite fait de taxer les côtières de mœurs légères rien que pour ça.

N°2- Les côtières savent toutes danser

Hou là, merci ! ;-) C’est vrai nous dansons moins « sagement » par rapport à nos amies des hauts-plateaux mais quand même, j’en ai vu aussi des côtières pures et dures qui dansaient comme des pieds et des Merina qui se débrouillaient comme des pros. Allez, c’est juste une question de rythme, qui se fiche de savoir danser, l’essentiel c’est de s’éclater ! J’ai pas raison ?

N°3- Les côtières ont toutes un gros cul un fessier bien développé

Certes, je dois avouer que de ce côté-là, la nature nous as bien pourvues. Ceci dit, c’est peut être génétique aussi hein, une histoire d’ancêtres et tout et tout. MAIS… Je ne conseille pas aux messieurs d’aborder de facto une fille avec des rondeurs bien placées en parlant un sabir merino-côtier… Vous pourriez avoir des surprises et gros con bourré d’idées stéréotypées.

N°4- Les côtières ça rêve toutes d’être une vadim-bazaha (d’épouser un étranger)

Ah, le grand classique de la fille vénale qui veut juste se tailler avec un vieil européen riche…Celui-là, il a la peau dure ! Alors une bonne foi pour toutes : ce n’est pas parce que beaucoup de femmes malgaches originaires des régions côtières choisissent de convoler en justes noces avec un « vazaha » que nous rêvons TOUTES de le faire ! Moi par exemple, mon but ultime côté matrimonial c’est marier un type qui serait capable de m’offrir mon propre poids en chocolat à mon annif’. Et qu’importe s’il est merina, côtier et ou s’il vient du trou du cul du monde. Voilà, c’est dit.

N°5- Les côtières n’aiment pas les Merina

Cette idée reçue concerne en fait tous les côtiers et pas seulement les femmes. Et rebelote, un préjugé de plus qui est encore très répandu, alors qu’il est absurde et ne sert qu’à nous diviser. Est-il utile de préciser que c’est complètement faux ?

PELA

jeudi 24 août 2017

Etre une femme dans le Sud-Est de Madagascar

août 24, 2017 0 Comments


Comme je l’ai mentionné dans un de mes anciens articles, je suis originaire du Sud-Est de Madagascar, plus précisément je suis Antaisaka. J’ai pourtant grandi à la capitale et mes passages dans ma ville natale, Farafangana se résumait aux séjours pendant les vacances scolaires. Ce n’est qu’il y a quelques années que toute ma famille y a déménagé et j’ai donc pu y passer toute mon année de Terminale. Je n’explique pas tout ceci pour le plaisir de raconter ma vie et les flux migratoires de notre petite couvée (haha. Blague d’ornithologue. Désolée). Non, si cette mise en contexte était nécessaire, c’est pour expliquer que cette chronique ne se base pas seulement sur les statistiques et les études que j’ai pu consulter en faisant des recherches, mais également sur mon vécu et sur ce que j’ai pu observer au sein de cette société profondément patriarcale.

Alors, être une femme dans le Sud-est de Madagascar, qu’est ce que ça implique ?

Injustices sociales

Dans la région du Sud Est de Madagascar, il faut savoir que la femme subit encore de nombreuses injustices sociales, que ce soit du fait des us et coutumes ou encore des vieilles traditions qui sont tellement ancrées dans le quotidien qu’elles sont tombées dans la banalité. Le premier exemple tangible est le non droit à la succession. En effet, dans notre belle et exotique région, les femmes n’ont pas droit à l’héritage parental. La succession des biens est entièrement dévolue aux garçons, et il arrive également qu’une femme mariée soit répudiée par son époux et parte les mains vides. Malgré le partage équitable des biens communs prévus par la loi, nombreuses sont celles qui, à la suite de la séparation avec leurs maris, doivent prendre leurs enfants sous les bras et partir sans rien d’autre que leurs vêtements sur le dos. En effet, sans engagement légal, aucune règle de bienséance  ou de société ou de simple bon sens n’oblige l’homme à assumer certaines obligations envers femme et enfants qu’il aurait quitté.

Pendant les événements importants comme par exemple les décès qui donnent lieu au « doboky » (veillée mortuaire), les femmes n’ont pas le droit de se mettre à table avec les hommes. Même au quotidien, il arrive que cette habitude dégradante de ne pas admettre les femmes à la même table que les hommes soit encore observée. Je me souviens de certaines festivités familiales où, parce qu’il n’y avait pas assez de tables, toutes les filles ont été enjointes à s’asseoir sur des nattes pour que ces messieurs puissent poser leur délicat postérieur sur les chaises. Pour la galanterie, on repassera. Bien entendu, les tâches ménagères sont entièrement dévolues aux femmes tandis que le droit de manger en premier est réservé à l’homme. Dans une famille, les décisions reviennent toujours au hommes, même si l'aînée est une fille. La tradition veut que la fonction de "chef" soit tenue par un individu de sexe masculin, de manière obligatoire et peu importe si ce n'est ni le plus sage ni le plus expérimenté. 

En outre, le concubinage et la polygamie des hommes sont quasiment admis par la société, ce qui fait que les cas d’abandon de familles sont très nombreux et sont mêmes tombés dans la banalité. Bien entendu, là où les hommes s’en sortent avec des petits haussements d’épaule désabusés, je vous laisse imaginer l’opprobre et les insultes auxquels une femme aura droit si elle a le malheur de fauter envers son mari ou concubin.  La culture du « fandeferana » (tolérance) et de la soumission a tellement été battue et rebattue aux oreilles des femmes depuis leur jeune âge qu’elles ne s’étonnent plus de voir leurs maris les tromper « de temps en temps », tandis que les garçons semblent élevés dans l’idée que leur masculinité ne peut s’exprimer qu’à travers le nombre de leurs conquêtes et leur capacité à fourrer leur appendice viril dans un quelconque orifice couvert de poils (Des mots vulgaires qui recèlent hélas rien que la vérité). Et ce, qu’ils soient mariés ou pas. Bien entendu, s’il est communément admis qu’un homme qui trompe sa femme se fera pardonner relativement facilement, un mari qui reste avec une femme qui l’a trompé avec un autre homme sera à jamais étiqueté par tous comme un pauvre type faible qui est en ménage avec une pute. Et je pèse mes mots.

Traditionnellement, c’est l’homme qui va demander la main de sa future épouse aux parents de cette dernière, au cours d’une cérémonie où il pourra enfin amener cette dernière à s’installer avec lui. Dans cette logique, on nous apprend, à nous les filles, que même si le mari trompe sa femme avec un harem entier, tant qu’il ne nous a pas « ramené » chez nos parents, cela veut dire qu’il ne veut pas se séparer et de facto, qu’il tient encore à nous.  Pour ce que j’en dis, c’est juste une tradition qui vise à empêcher la femme de faire le moindre acte de rébellion envers une situation qu’elle ne tolèrerait pas.

En outre, les décisions communautaires sont généralement prises sous l’égide des hommes et il est assez rare que les femmes aient voix au chapitre. Certains rétorqueront  que rien ne les en empêche et même si en pratique, c’est vrai, la réalité est plus complexe. Il faut savoir qu’au sein de cette société, la voix des femmes est très peu sollicitée, elles ont l’habitude d’être brimées, cantonnées à des tâches avilissantes, à la cuisine et à l’entretien du foyer qui est censé être leur juste place. Dans ces conditions, les filles sont habituées à évoluer dans une société où tout ce qui est considéré comme « important » revient aux hommes. Comment, après cela, peut-on leur inculquer le fait qu’elles peuvent avoir une voix, un avis, des idées qui comptent ? Alors se contenter d’accuser les femmes de la région Sud-est de se complaire dans leur situation est de la mauvaise foi, puisque cela ne tient absolument pas compte du contexte dans lequel elles ont évolué.


            Des améliorations timides


Actuellement, il faut quand même avouer que les conditions de la femme dans la Région Sud-est commencent timidement à s’améliorer, grâce aux différentes associations qui œuvrent pour aider les femmes à sortir de la précarité (cet article en montre un exemple). Il s’agit surtout de les aider à subvenir elles-mêmes à leurs besoins, à cultiver un esprit d'entreprenariat et de leadership. Grâce à diverses initiatives, les femmes commencent à oser faire entendre leur voix dans leur communauté et de gagner le respect des hommes.  Appuyées par le PNUD notamment, ces associations ont divers buts qui comprennent entre autres la meilleure prise de responsabilité de l’administration dans la mise à jour et l’application des textes, de la promotion et de la facilitation de l’éducation des filles, de mobilisation de ressources pour appuyer davantage l’autonomisation des femmes, de davantage d’appui des chefs traditionnels dans le plaidoyer pour la promotion des droits de la femme et de plus d’initiatives de développement et de solidarité de la part des femmes.

L’accès à l’éducation est assez encourageant pour les filles, même si beaucoup considèrent encore qu’elles n’ont pas vraiment besoin d’aller au-delà du baccalauréat parce qu’elles devraient se marier tôt pour ne pas finir vieilles filles (mon cher prof de sciences  naturelles était un grand défenseur de cette idée). En outre, de plus en plus de jeunes filles se lancent dans une carrière et on sent d’ailleurs le désir d’évoluer et d’aller au-delà des limites que la société a posées au sexe féminin. D’ailleurs, la région voit déjà des postes à décisions tenus par des femmes, même si leur nombre est encore très bas par rapport aux hommes. Je tiens ici à saluer spécialement la maire actuelle de Farafangana et toutes ses réalisations en matière d’infrastructures (notre ville en avait bien besoin m’dame, merci.).  En outre, certains chefs traditionnels semblent ouverts à faire évoluer les mœurs pour donner aux femmes le respect qu’elles méritent dans la société, même si de gros efforts restent  fournir aller au-delà des grands discours et passer à l’action.

Enfin, bien que les groupements et associations des femmes soient déjà en place, aucun ne se soucie profondément de la question de l’égalité des genres. Bien entendu, on aborde le sujet mais seulement en surface. Pourtant, c’est ce manque de parité entre les deux sexes qui est la racine de tous les problèmes que j’ai énoncés plus tôt. A mon avis, c’est parce que le concept de genre est occidental et que dans un souci de conservation des valeurs traditionnelles malgaches (que beaucoup considèrent comme parfaites, intouchables et sans défaut), beaucoup nient que le pays fait vraiment face à des problèmes y afférents. En outre, le féminisme est encore très mal jugé, puisque considéré comme une lutte contre les hommes et donc confondu avec le sexisme. Pourtant, la région Sud-est de Madagascar gagnerait beaucoup à avoir de associations féministes en son sein, pour arriver réellement à améliorer rapidement la situation des femmes non pas seulement au niveau financier, mais aussi au niveau politique, économique, culturel, personnel, social et juridique. Pour ce faire, il ne faut pas oublier d’inclure les hommes à cette cause.
Pela

Sources:
http://www.lagazette-dgi.com/index.php?option=com_content&view=article&id=33225:mouvement-feministe-inexistant-a-madagascar&catid=64&Itemid=113
http://www.madagascar-tribune.com/La-societe-matriarcale-et-l,21019.html

mercredi 16 août 2017

La provocation dans les clips malgaches : où va-t-on ?

août 16, 2017 1 Comments
Etant une grande amatrice de clips malgaches de tous les genres, comme beaucoup sans doute, je me suis aperçue d’un phénomène de plus en plus grandissant : la provocation de la part des artistes. Que ce soit du côté vestimentaire, des paroles ou encore du scénario, on voit aujourd’hui que les malgaches ont de moins à moins de pudeur et font dans la provoc', que ce soit à travers les gestes ou les vêtements.  Bien entendu, ce sont surtout les femmes et les jeunes filles qui sont concernées par ce phénomène d'hypersexualisation. 
Légende: Capture d'écran du clip "Samby tia", de la chanteuse Arnaah, dont la sortie sur Youtube a suscité de vifs débats, notamment à cause de ses tenues jugées "trop osées" 

Les chanteuses tropicales souvent pointées du doigt

Autant ne pas y aller par quatre chemins : ce sont surtout les chanteuses tropicales qui ont tendance à être pointées du doigt lorsqu’on parle de provocation. Selon une analyse toute personnelle, 90% au moins d’entre elles ont déjà figuré en tenue jugée « provocante » dans un vidéo clip, se trémoussant joyeusement au rythme d’une musique endiablée. Si certaines se contentent de porter une robe un brin trop courte, d’autres n’hésitent pas à carrément enlever la robe et à ne défiler qu’avec ce qu’il y a dessous. Je me souviens particulièrement d’un clip qui a fait un tollé général à sa sortie, la jeune chanteuse arborant des tenues très légères et mettant en valeur son fessier très peu recouvert à force de sauts et de coups de reins aguicheurs. Coquin n’est-il pas ? Mais aujourd’hui, se mettre quasiment à oilpé dans un clip n’est pas réservé qu’à la musique « mafana ». En effet, de plus en plus de chanteurs(ses) RNB, Dance hall, etc.… N’hésitent pas à prendre des danseuses et figurantes qui n’ont pas froid aux yeux, et je dirais même plus pas froid tout court au vu de la légèreté de leurs tenues (en même temps, le twerk est connu pour ses vertus en tant que source de chaleur) pour les faire danser de manière toujours de moins en moins conventionnelle. Bien entendu, il y a aussi les scénarios provocants et les mises en scène que personne n’aura osé faire passer dans une chaîne malgache il y a encore quelques années.

Se dénuder : une évolution de la société ou une stratégie marketing ?

A la vue de ses chairs bien galbés exhibées sans pudeur aucune au petit écran, beaucoup s’insurgent : « Où est passé la pudeur ? » « N’a-t-elle pas de père ni de frères ? » « C’est à l’encontre de la culture malgache ! » « C’est de la prostitution ! » - Tels sont les arguments les plus souvent évoqués par ceux qui n’approuvent pas. Les autres, par contre, arguent  que c’est pure hypocrisie de critiquer les artistes malgaches qui le font alors que quand ce sont des stars comme Beyoncé ou encore Jennifer Lopez, on ne fait pas preuve du même esprit critique. D’autres encore pensent que c’est dans « démodé » de s’insurger pour une absence de jupe ou pour un décolleté (trop) profond dans un clip... « Hé, après tout, on est en 2017 ! » affirment-ils, un brin moqueurs envers ces culs serrés qui ne comprennent rien aux clips des jeunes qui ont le swagg… Il est vrai qu’on est loin des années où le corps de la femme, jugé avec méfiance, devait être caché sous une jupe longue bien sage et des chemisiers au col boutonné au ras du cou. Aujourd’hui, la beauté féminine, plus encore, son pouvoir sexuel, est reconnu. L’industrie de la musique et du cinéma (à ne citer qu’eux), l’ont bien compris et s’en servent pour nous bombarder d’images de starlette sexy, qui s’assument, qui sont « heureuses » ! Et c’est une stratégie marketing qui marche : plus il y a de la provocation et de la chair nue, plus il y a des chances de se faire voir et de vendre. Si faire l’apologie du corps de la femme est louable, il est cependant indéniable que l’industrie du divertissement a des intentions moins innocentes. A l’échelle mondiale, une étude a prouvé que le nombre de vidéos « provocantes » est en augmentation à cause des études en marketing qui ont démontré que les adolescents contrôlaient le portefeuille familial.  L'industrie sait qu'elle fera de l'argent en les ciblant. A Madagascar, on aime bien « être dans le coup », « faire comme tout le monde » et hop, c’est comme ça qu’on se retrouve maintenant à regarder d’innombrables clips dont certains frisent l’obscénité.

Où va-t-on ?

Entant que revendicatrice acharnée du droit de la femme, je ne suis absolument pas contre le fait qu’elle puisse disposer de son corps comme bon lui semble. C’est parfaitement sain, puisque cela nous permet de nous épanouir, à condition de faire fi des diktats insensés de la mode. Mais selon moi, il faut garder en tête cette citation de Simone de Beauvoir : «  Une femme libre est exactement le contraire d’une femme légère ». Se dénuder à la télé, offrir son corps au regard du monde, cela peut entrainer à véhiculer le message que pour être beau et connu, il faut être un objet sexuel.  On ne valorise que l'aspect sexuel de l'être humain, oubliant les autres caractéristiques, dont l'intelligence, la discussion. Et de plus en plus de jeunes malgaches, filles ou garçons, se définiront de plus en plus par leur potentiel de séduction, et non par leurs véritables atouts. En outre, en dehors de considérations culturelles, il faut également penser au fait que cette hyper sexualisation des femmes dans les médias conduit à faire de l’apparence physique le seul passeport pour une vie meilleure. Si les artistes malgaches, en particulier les femmes, veulent faire des clips « modernes », il faut se trouver vers d’autres méthodes que celle du nudisme. Et ce n’est vraiment pas faute de talent, nombreuses sont celles qui ont une réelle fibre artistique et la diversité de nos cultures (tortiller du fessier, on le fait depuis longtemps, quand le mot twerk n’existait même pas !) fait de notre île un véritable gisement d’art. Il ne reste plus qu’à l’exploiter comme il faut…
Pela  

vendredi 11 août 2017

I Bina - Auguste Rajaonarivelo

août 11, 2017 0 Comments

Résumé:

L’histoire se passe à Farafangana, une ville située dans le sud-Est de Madagascar dans les années 30. Elle relate la romance entre un jeune homme Andriabakara nommé « Bina » et sa fiancée Antaifasy « Kemba ». Tout commence quand Bina se voit contraint de poursuivre ses études dans la capitale, à Antananarivo, laissant sa jeune promise face aux « tentations » de leur petite ville. Mais les deux tourtereaux se jurent fidélité, ce qui pour Kemba, signifie rester vierge jusqu’à ce que Bina revienne et officialise leur union.

Crédit photo: IPR 

Critique

En gros, i Bina est une histoire assez classique, l’auteur ne reste pas à la relation entre les deux protagonistes mais s’étend sur d’autres sujets variés : la religion, la morale, l’argent…Ce qu’il y a de plus beau dans ce livre, c’est la plume d’Auguste Rajaonarivelo : lyrique, délicieusement imagée et désuète, pleine de métaphores … Bref, un auteur malagasy pur et dur, comme on les aime.  En effet, si l’histoire reste plutôt classique, avec des intrigues amoureuses et tout le tremblement, la prose elle, est remarquable. Auguste Rajaonarivelo est un virtuose, réussissant à nous embarquer dans son livre avec sa manière d’écrire hors du commun. Maintenant, il faut prendre en contexte que certains principes défendus dans le livre sont plutôt désuets mais cela nous permet de nous plonger dans ce Madagascar des années 30 dont, personnellement, je connais peu de choses. Il m’a permis d’entrevoir les problèmes auxquels la société était confrontée à l’époque, notamment ceux des jeunes et la sexualité ainsi que la montée du christianisme et son influence sur les moeurs.  A noter que ce roman a été récompensé par le prix "Les Belles-Lettres" en 1933.

Mais il y a une deuxième raison qui me fait aimer particulièrement ce petit roman : c’est le lieu où il se déroule. Farafangana est en effet ma ville natale et c’est pour moi un pur délice de redécouvrir au fil des pages des quartiers familiers comme Ambatoabo, Mahafasa, Impitiny… Mais à une autre époque, ce qui me fait voyager dans le temps (oui, j’ai une imagination galopante). La partie avec le voyage de Bina et ses compères, qui ont fait la route à pied de Farafangana à Antananarivo est également très intéressante à lire, puisque l’auteur décrit chaque étape avec brio… ça donnerait presque envie de faire ses valises et de tailler la route avec eux !
Bref, je conseille I Bina a tous ceux qui veulent lire un bon roman malagasy, bien écrit et bien ficelé. L’histoire est intéressante et c’est l’occasion de redécouvrir un de ses livres de notre adolescence, car oui, pour ceux qui ont suivi un programme malagasy au collège, « I Bina » était un des livres du programme en classe de quatrième. 
Pela 

vendredi 4 août 2017

Qu’apprend-t-on à nos enfants ?

août 04, 2017 0 Comments

INEGALITES DES GENRES A L'ECOLE


Ça fleure bon les vacances… Les écoliers en tabliers colorés ont déserté les rues, et il en est de même pour leurs aînés du lycée et du collège. Heureusement, j’ai quitté les bancs de l’école depuis très longtemps, ce qui ne m’empêche pas de me sentir nostalgique de ces veilles années d’insouciance. Ah, ces moments délirants à jouer à cache-cache avec les autres à la récré, les grands goûters, les excursions, les classes vertes … Mais aussi, les idées stéréotypées qu’on nous a collées sur les garçons et les filles. Et oui, je vois la petite bête partout hein, oui m’dame, je l’ai dit dans ma présentation : les inégalités des genres est mon sujet de prédilection… et je m’y tiens !
On ne dirait pas comme ça, mais il me revient maintenant qu’une foule de choses apparemment anodines alors, que l’on nous poussait à faire ou à penser ne faisaient que refléter l’inégalité qu’on retrouve toujours entre les deux sexes. Premier exemple : le ménage. Oui, quelque chose de très trivial, mais voyez plutôt : comme de coutume, les tours de ménages étaient répartis dans des groupes mixtes et la plupart du temps, les garçons se permettaient d’ « oublier » de le faire. Un comportement qui, s’il était puni dans les petites classes, n’attirait plus tellement les foudres des profs à mesure que la classe était élevée. Ainsi,  au lycée, je me souviens bien des garçons s’esquivant malicieusement quand la sonnerie marquait la fin des cours, laissant le ménage aux bons soins de nous autres, les filles. Bien entendu, nous râlions un peu pour la forme mais ça n’allait jamais très loin. Quand aux profs, lorsqu’ils l’apprenaient, la réaction était souvent un petit haussement d’épaules désabusé, l’air de dire « Ah, ces garçons ! ».
Je me souviens également de la tendance quasi-automatique des profs à plus solliciter les filles pour les matières littéraires et les garçons pour les maths et autres. Ce genre de comportement est pourtant préjudiciable pour les gosses qui mettent à l’œuvre ce que l’on appelle des prophéties auto réalisatrices (Marry, 2003, Chaponnière, 2006). Les travaux manuels et autres activités parascolaires étaient également répartis de sorte à ce que les filles s’occupent de ce qui est jugé « féminin » : décoration, coloriage, tressage… Et aux garçons les tâches qui nécessitent de la force. Je me souviens particulièrement d’un cours de cuisine où les filles s’occupaient surtout de la préparation tandis que les garçons n’étaient appelés à participer que pour porter les ustensiles lorsque ceux-ci étaient lourds. Et encore, j’ai eu la chance de fréquenter une école où les méthodes d’enseignements étaient plutôt mixtes dans leur ensemble. Mais dans certains établissements, j’ai constaté quelques éléments du règlement qui m’ont fait tiquer : le tablier était réservé…Aux filles seulement. J’avoue ne pas comprendre : les filles ont-elles  un corps si « tentant » que ça pour qu’il faille le cacher et pas celui des garçons ? Est-ce que les filles risquent plus d’être distraites par les vêtements à la mode si elles ne portaient pas de tablier ? Ne prend-t-on pas le risque d’inculquer aux garçons que si une fille ne se « couvre pas », c’est qu’elle « désire » se faire remarquer et est donc ouverte aux comportements irrespectueux ?
Je ne dis pas que les enseignants et les adultes autour de nous pensaient à mal, non je parle juste ici de sexisme inconscient qui est tellement présent autour de nous que ça paraît normal. Même les parents s’y mettaient, réprimandant les filles quand elles revenaient de l’école avec des vêtements tâchés et tout parce qu’elles se seraient livrées à des « jeux de garçons ». Ces derniers aux contraire, ne sont pas rabroués pour çà car les petits garçons, ça se salit, c’est normal hein. Et si un garçon aime traîner avec les filles, et participer à leur jeux, malheur à lui, il se verra étiqueter de « sarim-bavy »* ou encore « vavivavy toetra »**, ce qui est assez mal vu. Alors qu’une fille jugée un peu « brutale » ou « garçon manqué » ne sera pas vue avec autant de mauvais œil (mais nous en reparlerons une autre fois). Avoir un comportement de garçon ok, ça passe, mais de fille ?!!! Vade retro ! (Mais je m’égare).
Des exemples comme ceux-ci, j’en ai encore à foison : les représentations de la femme dans les livres de lecture étaient toujours les mêmes : celle de la maman, qui cuisine, s’occupe du ménage et des enfants. Le papa : il va au bureau ou aux champs, fait bouillir la marmite et protège son foyer. Bref, une image sans cesse collée aux yeux des enfants qui vont les pousser à croire que les femmes sont réservées à une sphère plutôt passive et intérieure (sa maison) du quotidien tandis que les hommes sont plus dans l’action. De quoi leur donner une image stéréotypée d’eux-mêmes et de conditionner déjà leurs relations avec l’autre sexe.

Pour aller plus loin

Si vous désirez aller encore plus loin dans la recherche d’informations sur l’inégalité des genres dans le milieu scolaire à Madagascar, le lien ci-dessous (en fin d’article) pointe vers une étude nommée « Genre et scolarisation à Madagascar » par Bénédicte Gastineau et Noro Ravaozanany. Je m’en suis servie de source pour écrire ce billet et elle recèle une véritable mine d’informations qui aide à mieux appréhender le problème. Je vous laisse avec quelques extraits :
« La propension à reproduire des rôles stéréotypés dans le partage des tâches et des activités à l’école est frappante : les filles sont chargées du balayage et nettoyage des salles de classes et les garçons sont sollicités dès qu’il s’agit de déplacer les tables, ou de transporter des choses lourdes. Ces derniers sont aussi plus souvent désignés comme chef de classe car on les considère comme ayant une capacité « naturelle » à diriger, reflet de leur futur rôle social de chef de famille et d’autorité dans la communauté »
« Néanmoins, quelle que soit l’école, les enseignant-e-s sont presque unanimes pour affirmer que les filles qui poursuivraient leurs études doivent se diriger vers des carrières dites féminines, considérées comme moins difficiles et moins utiles qui sont donc moins valorisées socialement et financièrement que celles vers lesquelles on pousse les garçons. »
Lien vers l’enquête : Genre et scolarisation àMadagascar
Pela 

Femme seule + 0 enfants = Vieille fille : Une équation erronée ?

août 04, 2017 0 Comments
Crédit photo: 123RF

Avant de m’attaquer à ce gros morceau qu’est la femme célibataire de la trentaine ou plus et sans enfants dans la société malgache, je tiens à préciser que je n’ai pas beaucoup voyagé. Je n’ai pas non plus pu effectuer une enquête approfondie sur le sujet en dehors de ma petite localité. Les conclusions ainsi que les analyses que je vais livrer ici sont donc à prendre selon ce contexte. Je n’aime pas les généralisations et je voudrais faire garder à l’esprit de mes lecteurs qu’il s’agit de mon avis (subjectivité donc), étayé par quelques enquêtes et interview effectués ici et là et qu’ils sont libres d’exprimer également le leur pour orienter un débat constructif. Sur ce, commençons.

 Les stéréotypes ont la vie dure


Il y a des femmes qui ont la trentaine bien sonnée et qui n’ont ni mari, ni enfants soit par choix, soit parce que les aléas de la vie les a menées à cette situation. Mais il paraît très difficile pour la société malgache d’accepter le fait que cela puisse satisfaire ces femmes et qu’elles en fassent un mode de vie. Dans la culture malgache, il faut savoir qu’avant tout, une femme est une mère. Dans certaines régions, même quand elle n’a pas d’enfants, ses nièces et ses neveux sont considérés comme les siens par procuration. Qu’une femme ait choisi de ne pas se marier est presque de l’ordre de l’aberration pour la société. Ce qui fait que ces célibataires souffrent de jugements stéréotypés dont le plus répandu est qu’elles sont « Kizitina » ou irritables, ou souffriraient d’un caractère qui ferait fuir les hommes. Ainsi, sans même connaître le fin mot de l’histoire, on leur rejette tout de suite la faute. Les plus extrêmes vont même jusqu’à les accuser de se comporter de manière inconvenante, ou indigne pour une femme qui désirerait un foyer, et ce, sans aucune preuve tangible. Ainsi, on les catégorise tout de suite de vieille fille ou vieille demoiselle, se moquant gentiment (ou pas) de leur coquetterie et les soupçonnant de mener une vie en bâtons de chaise. Il est également courant de les traiter de « mama sauce »-femmes couguar qui préfèreraient les hommes plus jeunes qu’elles. Dans tous les cas, on accuse ces célibataires de quelque chose, comme si ce mode de vie ne pourrait être que la conséquence d’une quelconque faute qu’elles auraient commise. Pour peu que cette femme aie des amis masculins et fasse montre d’un peu de coquetterie et on lui accordera de facto l’oscar de la croqueuse d’homme de service. Pourquoi j’insiste sur la question de la trentaine ? Parce qu’à partir de là, beaucoup considèrent qu’il fait bon ton de « se ranger » et pondre enfin quelques gosses. Non pas qu’il  y ait de mal à cela, quand il s’agit d’un choix mûrement réfléchi et non fait à cause de la pression de la société.

Crédit photo: 123RF

 Des femmes incomprises

J’ai questionné quelques personnes sur leur avis par rapport à ces femmes célibataires sans enfants, à la trentaine passée et voici un petit condensé des réponses que j’ai eues :
« Je trouve ça triste. Je pense que ces femmes n’ont pas trouvé l’amour et que maintenant qu’elles commencent à vieillir, c’est trop tard pour elles pour se marier » - Sahondra*, 35 ans, mariée, 2 enfants.
« Ce n’est pas normal, comment compte-t-elles perpétuer leur lignée ? N’ont-elles pas peur de ne jamais avoir d’enfants ? Elles devraient vite remédier à cette situation au lieu de prendre la vie comme un jeu. » * Teddy, 28 ans, marié, pas d’enfants.
«  Je ne comprends pas qu’on puisse choisir de ne pas se marier et de ne pas enfanter. Je veux dire : n’ont –elles pas peur de la solitude ? Peut être qu’elles pensent rester jeunes indéfiniment et n’ont pas conscience que le temps passe » - Gaël, 25 ans, sans enfants, célibataire.
«  Elles n’ont pas conscience que c’est dangereux, pour les hommes, ça va, même s’ils ont pris de l’âge, ils peuvent trouver une épouse quand même. Ce n’est pas le cas pour nous les femmes, à un certain âge, on risque de finir vieille fille ». Annie, 45 ans, mariée, 2 enfants.
« Je ne vois pas ce qu’il y a de mal à ça, il vaut mieux être seule que mal accompagnée non ? » Iary, mariée, sans enfants.
Bref, autant de réactions qui montrent que beaucoup considèrent que pour une femme, ne pas avoir d’enfants et ne pas ne pas se marier ne peut pas être un choix délibéré. Et quand on considère quand même que ça l’est, ce n’est pas jugé convenable. A mon avis, sous tous ces avis négatifs et ces rejets, c’est surtout le fait de ne pas pouvoir cerner ces femmes qui dérange autant. En effet, selon l’étude une étude du PNUD[1], la société malgache considère toujours que la femme est un « fanaka malemy », c'est-à-dire comme un meuble fragile et qui a besoin de la protection d’un homme. Qu’elle puisse sortir de cette condition et affirmer son indépendance que ce soit du point de vue financier ou affectif, est encore parfois jugé comme une arrogance, une prétention. Le fait est que: la société ne sait pas à quelle place mettre ses femmes et les regardent donc d’un œil méfiant, voire hostile, quand ce n’est pas avec pitié. Pourtant, le choix de ne pas se marier et de ne pas avoir d’enfants peut être parfaitement assumé pour certaines femmes, qui se concentrent par exemple sur leur carrière ou qui sont satisfaites de leur situation actuelle telle qu’elle est. Il reste un long chemin pour convaincre la société que fonder une famille n’est pas une obligation pour les femmes et qu’elles peuvent faire le choix de se concentrer sur d’autres priorités sans qu’il faille leur demander des comptes. Mon avis est que le fait de voir ces femmes se faire systématiquement de « veille fille » est encore symptomatique d’une inégalité homme/femme dans la société malgache puisque l’équivalent au masculin n’existe pas. En effet, un homme, même passé la trentaine et qui n’a pas encore d’enfants même s’il est poussé à se caser, ne fait pas l’objet de critiques aussi vives.




[1] PNUD, « Genre, développement humain et pauvreté à Madagascar », 2003.