mercredi 16 août 2017

# CHRONIQUES # CULTURES

La provocation dans les clips malgaches : où va-t-on ?

Etant une grande amatrice de clips malgaches de tous les genres, comme beaucoup sans doute, je me suis aperçue d’un phénomène de plus en plus grandissant : la provocation de la part des artistes. Que ce soit du côté vestimentaire, des paroles ou encore du scénario, on voit aujourd’hui que les malgaches ont de moins à moins de pudeur et font dans la provoc', que ce soit à travers les gestes ou les vêtements.  Bien entendu, ce sont surtout les femmes et les jeunes filles qui sont concernées par ce phénomène d'hypersexualisation. 
Légende: Capture d'écran du clip "Samby tia", de la chanteuse Arnaah, dont la sortie sur Youtube a suscité de vifs débats, notamment à cause de ses tenues jugées "trop osées" 

Les chanteuses tropicales souvent pointées du doigt

Autant ne pas y aller par quatre chemins : ce sont surtout les chanteuses tropicales qui ont tendance à être pointées du doigt lorsqu’on parle de provocation. Selon une analyse toute personnelle, 90% au moins d’entre elles ont déjà figuré en tenue jugée « provocante » dans un vidéo clip, se trémoussant joyeusement au rythme d’une musique endiablée. Si certaines se contentent de porter une robe un brin trop courte, d’autres n’hésitent pas à carrément enlever la robe et à ne défiler qu’avec ce qu’il y a dessous. Je me souviens particulièrement d’un clip qui a fait un tollé général à sa sortie, la jeune chanteuse arborant des tenues très légères et mettant en valeur son fessier très peu recouvert à force de sauts et de coups de reins aguicheurs. Coquin n’est-il pas ? Mais aujourd’hui, se mettre quasiment à oilpé dans un clip n’est pas réservé qu’à la musique « mafana ». En effet, de plus en plus de chanteurs(ses) RNB, Dance hall, etc.… N’hésitent pas à prendre des danseuses et figurantes qui n’ont pas froid aux yeux, et je dirais même plus pas froid tout court au vu de la légèreté de leurs tenues (en même temps, le twerk est connu pour ses vertus en tant que source de chaleur) pour les faire danser de manière toujours de moins en moins conventionnelle. Bien entendu, il y a aussi les scénarios provocants et les mises en scène que personne n’aura osé faire passer dans une chaîne malgache il y a encore quelques années.

Se dénuder : une évolution de la société ou une stratégie marketing ?

A la vue de ses chairs bien galbés exhibées sans pudeur aucune au petit écran, beaucoup s’insurgent : « Où est passé la pudeur ? » « N’a-t-elle pas de père ni de frères ? » « C’est à l’encontre de la culture malgache ! » « C’est de la prostitution ! » - Tels sont les arguments les plus souvent évoqués par ceux qui n’approuvent pas. Les autres, par contre, arguent  que c’est pure hypocrisie de critiquer les artistes malgaches qui le font alors que quand ce sont des stars comme Beyoncé ou encore Jennifer Lopez, on ne fait pas preuve du même esprit critique. D’autres encore pensent que c’est dans « démodé » de s’insurger pour une absence de jupe ou pour un décolleté (trop) profond dans un clip... « Hé, après tout, on est en 2017 ! » affirment-ils, un brin moqueurs envers ces culs serrés qui ne comprennent rien aux clips des jeunes qui ont le swagg… Il est vrai qu’on est loin des années où le corps de la femme, jugé avec méfiance, devait être caché sous une jupe longue bien sage et des chemisiers au col boutonné au ras du cou. Aujourd’hui, la beauté féminine, plus encore, son pouvoir sexuel, est reconnu. L’industrie de la musique et du cinéma (à ne citer qu’eux), l’ont bien compris et s’en servent pour nous bombarder d’images de starlette sexy, qui s’assument, qui sont « heureuses » ! Et c’est une stratégie marketing qui marche : plus il y a de la provocation et de la chair nue, plus il y a des chances de se faire voir et de vendre. Si faire l’apologie du corps de la femme est louable, il est cependant indéniable que l’industrie du divertissement a des intentions moins innocentes. A l’échelle mondiale, une étude a prouvé que le nombre de vidéos « provocantes » est en augmentation à cause des études en marketing qui ont démontré que les adolescents contrôlaient le portefeuille familial.  L'industrie sait qu'elle fera de l'argent en les ciblant. A Madagascar, on aime bien « être dans le coup », « faire comme tout le monde » et hop, c’est comme ça qu’on se retrouve maintenant à regarder d’innombrables clips dont certains frisent l’obscénité.

Où va-t-on ?

Entant que revendicatrice acharnée du droit de la femme, je ne suis absolument pas contre le fait qu’elle puisse disposer de son corps comme bon lui semble. C’est parfaitement sain, puisque cela nous permet de nous épanouir, à condition de faire fi des diktats insensés de la mode. Mais selon moi, il faut garder en tête cette citation de Simone de Beauvoir : «  Une femme libre est exactement le contraire d’une femme légère ». Se dénuder à la télé, offrir son corps au regard du monde, cela peut entrainer à véhiculer le message que pour être beau et connu, il faut être un objet sexuel.  On ne valorise que l'aspect sexuel de l'être humain, oubliant les autres caractéristiques, dont l'intelligence, la discussion. Et de plus en plus de jeunes malgaches, filles ou garçons, se définiront de plus en plus par leur potentiel de séduction, et non par leurs véritables atouts. En outre, en dehors de considérations culturelles, il faut également penser au fait que cette hyper sexualisation des femmes dans les médias conduit à faire de l’apparence physique le seul passeport pour une vie meilleure. Si les artistes malgaches, en particulier les femmes, veulent faire des clips « modernes », il faut se trouver vers d’autres méthodes que celle du nudisme. Et ce n’est vraiment pas faute de talent, nombreuses sont celles qui ont une réelle fibre artistique et la diversité de nos cultures (tortiller du fessier, on le fait depuis longtemps, quand le mot twerk n’existait même pas !) fait de notre île un véritable gisement d’art. Il ne reste plus qu’à l’exploiter comme il faut…
Pela  

1 commentaire:

  1. si la dernière question de cet article est où-va-t'on? Je dirai que nous allons directement en enfer!

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