Imaginez:
une petite vielle côtière, exotique, avec ses maisons en falafa, ses plages de
sable blanc et son soleil toute l'année. Un décor idyllique, où tout le monde à
l’air de s’entendre plus ou moins bien. Approchez-vous encore un peu, tendez
l’oreille et vous verrez les nombreuses zones d’ombre du tableau, entendrez le
crissement des ongles sur le tableau noir.
Il s'agit
sans doute de la mise en contexte la plus bâclée et vague que vous ayez jamais
lue et pourtant, c'est exactement ce que j'ai ressenti en déménageant de cette
petite ville de province apparemment sans histoires il y a quelques années.
Bienvenue à Infidelitéland, où sous des dessus plutôt normaux et classiques,
les relations hommes-femmes sont restées moyenâgeuses. Pour preuve, je vais
vous présenter le schéma classique du foyer familial tel que je l'ai vu dans
ces exotiques contrées. Le père, celui qui fait bouillir la marmite, qui prend
les décisions importantes et qui porte la culotte... Et qui trompe joyeusement
sa femme avec une fille plus jeune, de préférence habillée comme une péripatéticienne
et entretenue par Monsieur. La mère: celle qui travaille aussi ou reste au
foyer pour s'occuper des enfants, qui est généralement consciente de son état
de cocue mais qui...Ne fait rien. Les enfants : certains sont au courant
des galipettes de papa avec une autre dame que maman. Mais c’est tabou d’en
parler, ce ne sont pas leurs affaires mais ceux des grandes personnes.
Quand j'ai
osé m'insurger de cette situation, arguant que c'était un comportement indigne
d'un père de famille, j'ai récolté au pire des rires moqueurs devant ma
"naïveté", au mieux des soupirs désabusés. "On ne change pas les hommes. C'est dans leur nature. Tant qu'il fait
bouillir la marmite, qu'il couche dans mon lit le soir et qu'il veille sur ses
gosses, c'est l'essentiel. Il finira bien par se fatiguer. De toute manière, je
suis l'épouse, je n'ai pas à m'en faire pour ces passades. J'ai déjà MA place".
Pour faire plus court, une définition de la célèbre expression malgache
"Matoky valeur" (« Savoir ce que l’on vaut »), ou du moins
l’interprétation de ce que certaines femmes en font. Mais le ton sur lequel ce
discours est déclamé varie: si certaines l'énoncent avec fierté, d'autres le
font avec une certaines lassitude dans la voix, quelques unes encore le font à
la manière d'une élève qui récite docilement sa leçon. Mais elles ont toutes un
point commun qu’elles semblent vouloir ignorer ou cacher : la douleur.
Ce qui
m'amène à me poser des questions sur le réel statut que l'épouse revêt dans une
telle société.
H2- De « Matoky valeur » à ne plus rien valoir du tout
« Matoky
valeur » est devenue une expression courante dans la culture malgache.
Elle est souvent employée pour dire que l’on n’a pas peur de la concurrence, et
dans le cas des épouses cocufiées, il s’agit d’une prise de position aux
multiples revers. En effet, ces femmes qui se rassurent en disant qu’elle ont déjà
un foyer et que ce n’est pas une midinette qui va tout faire capoter ont
tendance à rester globalement passives. Elles se retiennent d’agir, de demander
des comptes à leur mari ou encore d’aller chercher des noises à leur rivale,
sauf en cas de flagrant délit. Elle se rassure en se disant que son mari n’est
infidèle que pour s’amuser, pour affirmer sa virilité, parce que c’est un homme
et que c’est normal. « Lehilahy tsy
maintsy maditra e ! »*. C’est aberrant mais lorsque vous voyez le
nombre d’époux infidèles que peut contenir une si petite ville, vous voyez que
de telles absurdités peuvent s’avérer réelles. Si ce n’est pas l’entourage et
la société qui pousse la femme à rester impassible et souffrir en silence par
ce qu’elle doit « faire confiance à sa valeur », c’est le mari
lui-même. En effet, combien de petits copains et de maris, n’ont pas rassuré leur
femme ou leur petite amie en eur servant le discours insipide du :
« Tu es la seule, tu es ma femme, tu n’as pas à avoir peur de ces
minettes. Ce n’est qu’un jeu pour moi. Tu es la mère de mes enfants, je ne te
quitterais jamais pour elles, matokisa
valeur** ! ». Bref, un charabia manipulateur qui réduit
l’infidélité à un simple jeu sans trop de conséquences, auquel la femme ne doit
pas prêter attention. Mais si l’épouse à tellement de
« valeur » : pourquoi la tromper ? Pourquoi lui faire subir
cette humiliation ? Trahir sa confiance ? Autant de questions que
beaucoup n’hésitent pas à répondre de manière sexiste : « Les hommes
sont comme çà, et les femmes doivent s’y faire ». A mon avis, la réponse
devrait pourtant être simple : le meilleur moyen de traiter son épouse à
sa juste valeur est de ne pas la tromper.
H2- De la tolérance à la souffrance
Un autre
concept qui m’a fait tiquer alors que j’essayais de comprendre cette situation
d’infidélité généralisée et apparemment tolérée dans cette chère petite ville
provinciale : la tolérance. La tolérance est une des choses que l’on
martèle aux femmes qui vont se marier. Pour avoir un foyer, il faut être prête
à pardonner, à tolérer certaines choses. En soit, je ne suis pas contre le
concept de sacrifier un peu de soi pour le bien de sa famille. Mais les choses
peuvent dégénérer quand on fait de ce concept une arme pour justifier les
maltraitances faites envers les femmes. Ainsi, lorsqu’on apprend aux jeunes
filles qu’elles doivent s’armer de patience et tolérer que parfois leur mari
puisse être volage car c’est dans sa nature, c’est la porte ouverte à toutes
sortes de dérives. De fil en aiguille, la tolérance devient impuissance et
l’épouse entre dans une spirale infernale où elle n’aura même plus son mot à
dire sur le comportent de son mari. En apprenant aux jeunes femmes que son mari
peut la tromper un jour mais qu’elle doit pardonner et oublier pour le bien de
sa famille, on élude totalement ses sentiments, sa souffrance, son ressenti. On
la cantonne à un rôle de mère qui doit s’occuper de ses enfants, qui doit
pardonner pour le bien de sa famille, et surtout se taire. On oublie qu’avant
tout c’est une personne avec son intégrité, qui s’est mariée non pour se
sacrifier à l’autel du pardon et de la tolérance, mais pour fonder une famille,
s’épanouir auprès d’un mari qui la respecte.
*Lehilahy tsy maintsy
maditra : C’est dans la nature des hommes d’être volages
**Matokisa valeur : Aie
confiance en ce que tu vaux
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