mercredi 12 février 2020

Violences conjugales : une horrible banalité dans la société malgache

février 12, 2020 1 Comments

La violence conjugale est un problème grave relégué au rang de simple fait divers dans le quotidien des malgaches, alors que 65 % environ des femmes malgaches subissent des sévices. D'après les statistiques du Fonds des Nations Unies pour la Population, 26%  des femmes à Madagascar subissent des violences physiques, 24 % sont victimes de violences psychologiques et affectives, 11% sont victimes de violences sexuelles et 39 % sont abandonnées par leur conjoint.


Dans un pays où l’on compte actuellement  13 797 520 d’individus de sexe féminin, ce sont donc 8 968 388 femmes qui doivent courber l’échine sous les coups et les tortures psychologiques. Un cas particulièrement grave et déplorable a défrayé la chronique et fait la une sur les réseaux sociaux malgaches ces derniers jours. Mais une fois passée le choc et l’indignation générale, aujourd’hui la plupart des internautes semblent tourner cela à la plaisanterie… Ce qui me laisse sans voix.

Une jeune femme et son bébé ont perdu la vie suite à des violences conjugales et apparemment, elle n’est pas la première et ne sera hélas, pas la dernière. Cette malheureuse a rejoint le rang des pauvres victimes sacrifiées sur l’autel du « fandeferana » si sacré pour les épouses malgaches, dans une société où se séparer « cela ne se fait pas », où c’est considéré comme égoïste car « il faut penser aux enfants d’abord ». Aux femmes le rôle de soumises pour « le bien de leur foyer » et aux hommes le droit de faire comme bon leur semble car après tout… Les hommes restent des hommes et le pouvoir leur appartient. Dans ce contexte, pas étonnant que les violences basées sur le genre soient reléguées au simple rang de fait divers, ou pire… Sujets à plaisanterie.


dimanche 14 avril 2019

Alors comme ça les femmes malgaches militent pour s’habiller comme des putes ?!

avril 14, 2019 0 Comments

Tout a commencé avec un post du Ministère de l’éducation, peut-être bourré de bonnes intentions, mais extrêmement maladroit.


Traduction : « Des vêtements sobres et pudiques de la part des filles aident les garçons à refréner leurs pulsions. Il appartient aux parents d’éduquer et d’apprendre aux jeunes filles à s’habiller décemment. »

Quel est le problème ?


Ce que beaucoup semblent occulter, c'est que le problème n'est pas seulement une histoire de quelques centimètres de plus ou de moins sur une jupe. Le problème est que cette publication véhicule un préjugé encore très répandu sur le harcèlement et le viol, celui consistant à penser que les articles vestimentaires de la victime sont une cause de l’acte en question. Un discours culpabilisant les femmes en leur disant que si une personne s’est permis un geste déplacé à leur encontre, c’est à cause de leur manière de s’habiller. Pourtant, de nombreuses études (dont celle-ci et celle-là, sans parler de cette expo) ont été faites à ce sujet et montrent clairement qu’il n’y a absolument aucun lien entre les vêtements et l’acte du viol.

« Bien que cette croyance soit largement répandue, en aucun cas une victime n’est responsable de l’agression. Peu importe son habillement, sa consommation de drogue ou d’alcool, son comportement, son attitude ou le lieu où elle se trouve, une personne a toujours le droit de ne pas consentir à une activité sexuelle. C’est uniquement la personne qui ne respecte pas ce non-consentement qui est coupable et responsable, soit l’agresseur » - CPIVAS

Ainsi, l’auteur de la publication aurait mieux fait se renseigner avant de taper joyeusement sur son clavier pour prodiguer sa « sagesse » aux filles et femmes malgaches en leur conseillant de ne pas tenter ces pauvres messieurs qui sont guidés par leurs pulsions, pauvres d’eux…

Des réactions…Partagées


Bien entendu, les réactions ne se sont pas fait attendre sur Facebook et ce, malgré la promptitude du ministère à supprimer le post ainsi, que le communiqué de presse qui  été publié en guise d’excuses. Féministe que je suis, mon fil d’actualité a surtout été dominé par les réactions outrées (semblables aux miennes) provenant d’hommes et de femmes qui se sont insurgés qu’en 2019, on se permette encore de penser ainsi. Mais comme j’étais tout à fait consciente que cela était vraiment trop beau, j’ai décidé de faire des recherches plus poussées et….

BOOM….

Elles étaient là…Les réactions du type :

« Porter des vêtements vulgaires, c’est contraire au soatoavina malagasy, il était temps qu’on ose élever la voix ! »

« Si tu ne veux te faire embêter ne provoque pas les hommes, si tu portes une mini-jupe attends toi à ce qu’on te mette la main au cul, c’est comme çà »
Et la meilleure de toutes :

« Alors comme ça, les femmes malgaches militent pour s’habiller comme des putes ? Bienvenue en 2019 ! »

Seriously ?

A la base, je ne voulais pas écrire un article sur ce sujet, puisque les débats avaient été assez houleux comme cela et le tour des arguments semblaient avoir été fait. Mais comme la polémique poursuit son bonhomme de chemin, j’ai décidé d’ouvrir ma grande gueule et puis c’est mon blog, j’fais c’que j’veux.

Il est affligeant de voir que certaines personnes se contentent toujours de tout voir au premier degré. Donc, quand les femmes disent qu’elles droit de s’habiller comme elles le veulent, cela veut dire de facto qu’elles vont se balader à moitié nues dans la rue ?

C’est le genre de raisonnement simpliste qui fait que nous avons encore un très looong chemin à faire avant que le pays ne connaisse un réel développement. Alors mettons les points sur les i :

NON… nous ne voulons pas nous battre pour la « nudité »

NON notre but suprême n’est PAS de porter une mini-jupe (pitié, regardez plus loin que le bout de votre nez si pudique !)

Nous voulons avoir le droit de porter ce que l’on veut sans que les hommes pensent avoir le droit de nous toucher, de nous faire des remarques salaces, de profiter de corps qu’ils pensent qu’on leur « offre ».

Nous nous habillons premièrement pour nous-mêmes, nous sommes dotés d’un cerveau : nous savons quoi porter et pour quelles circonstances, merci. Oui, rassurez-vous, nous savons que nous avons des pères, des cousins, des frères, et je ne sais quoi d’autre… Tout cela ne nous empêche pas d’avoir des goûts personnels en matière d’habillement.

#Majupe_Mondroit, c’est surtout un combat pour permettre à tous de comprendre que le seule coupable du viol, c’est le violeur.

Filles ou garçons, chacun doit être éduqué dans le respect de l’autre (que cet autre soit habillé en mini-short ou en jupe maxi).

Pour ce que j’en dis, apprenez à vos filles à agir librement et avec sagesse… Apprenez à vos garçons que tout le monde à droit au respect, quelque soit son style vestimentaire.

PELA



lundi 15 octobre 2018

Préparation à la vie conjugale: cas des femmes malgaches

octobre 15, 2018 0 Comments




Le mariage fait partie des évènements les plus importants dans la société malgache, et ce, dans toutes les régions. Traditionnellement, les malgaches n’allaient ni à la mairie ni à l’église pour officialiser cette union. La cérémonie se fait entre les deux familles, essentiellement pour permettre à l’homme de demander la main de sa future épouse à sa belle-famille. En fonction des ethnies et des régions, les traditions peuvent varier mais il est important de noter qu’avant l’entrée du christianisme à Madagascar, le mariage malgache était très différent du mariage tel qu’il est conçu dans les sociétés européennes.

En effet, le mariage n'était ni un sacrement ni un pacte légal qui établit entre les époux un double lien religieux et civil[1]. Pour nous autres malgaches, le mariage était traditionnellement un accord purement verbal (il n'y a pas de document à signer), une association de deux contractants résultant du simple échange de volontés requises par la coutume.

Mariage malgache : rétrospective


Il est important de noter que la beauté morale de virginité et de la chasteté, tel qu'il est conçu par les sociétés européennes, n'avait aucune importance pour les Malgaches, contrairement à ce que certaines personnes s'évertuent à croire afin de faire culpabiliser les jeunes filles malgaches qui ont aujourd'hui plus de liberté sexuelle (oui, je vise). A l'époque, les parents laissaient les jeune filles, dès lors qu'elles étaient pubères à suivre leurs inclinaisons, les relations sexuelles étant considérées comme acte tout à fait naturel et nullement répréhensible.
Pour le cas de quelques clans du Sud-est de Madagascar cependant, les parents étaient plus exigeants quant à la "vertu" des jeunes filles. En tout cas, de manière générale, le mariage est considéré comme le commencement de la vie de la femme au lieu d'en être la fin.

La préparation des jeunes filles au mariage dans le Madagascar aujourd'hui


Actuellement, les malgaches continuent d'accorder une grande importance au mariage même si avec l'influence du christianisme et des autres cultures, certaines traditions sont passées à la trappe. La virginité et la vertu des jeunes filles ont revêtu une importance singulière, même si ce n'est pas obligatoire pour conclure une union maritale. 

Pour ce qui est de l'éducation avant le mariage, les jeunes filles malgaches, outre la scolarisation, reçoivent également tout ce qu'il y a à savoir pour devenir une bonne épouse. Cela va de l'ensemble des tâches ménagères (vaisselle, repassage, cuisine, entretien de la maison... Bref, la panoplie de la fée du logis), aux valeurs morales. Et parmi ces dernières, il y a le fameux "fandeferana" (dont j'ai parlé ici), qui doit leur permettre d'anticiper le fait que leur mari pourra leur faire quelques infidélités ou toute autre crasse.

Soit, tout cela part d'une bonne intention: celui de permettre à l'épouse de bien gérer son foyer et d'avoir un mariage qui dure. Mais d'un autre côté, on la fait entrer dans ce moule étriqué de la "mère au foyer" qui DOIT jouer le rôle du robot ménager multi-fonction et de la poupée sexuelle gonflable (et j'exagère à peine, ayant moi-même eu droit au laïus du "Si ton mari veut faire l'amour et que toi tu ne veux pas, tu dois quand-même accepter sinon il va aller voir ailleurs. N'oublie pas, plein de jeunes filles n'attendent que ça! Alors donne un peu du tien ce n'est qu'un petit moment gênant à passer).

De leur côté, les garçons n’ont, à ma connaissance, pas droit à ce genre de « formation » qui les prépare à devenir des époux modèles. Et l’on s’étonne encore que jusqu’en 2018, on a droit à un taux élevé de violences conjugales et d’abandons de foyer par ces messieurs. Attention, je ne dis pas que les hommes n’en sont pas eux-mêmes victimes. Non, mon avis est que garçon ou fille, chacun doit être éduqué au respect de l’autre et non à être seulement un robot qui veille au bon déroulement du ménage. Au lieu de convaincre la fille qu’elle doit à tout prix veiller à être une femme « respectable » sous peine d’être humiliée et de jeter l’opprobre sur sa famille, il vaut mieux lui rappeler qu’elle a une voix et qu’elle a tout à fait le droit de s’en servir.  

Oui, une vie de couple n’est jamais exempte de coups durs et de moments difficiles mais cela n’est pas une raison de placer la femme (ni qui que ce soit d’autre d’ailleurs) dans la position de soumise pour que l’union marche. Car Madagascar fait encore partie de ces pays où de facto, ou être une « bonne épouse » rime avec « une bonne soumise ».

Sources :


[1]             Le mariage à Madagascar, G. Grandidier, Bulletins et Mémoires de la Société d'Anthropologie de Paris  Année 1913  4-1  pp. 9-46

jeudi 25 janvier 2018

Madagascar : un pays aux mille sourires, un pays aux mille pauvretés

janvier 25, 2018 0 Comments

Madagascar figure parmi les pays les plus pauvres du monde, avec un PIB par habitant de 391 USD. Le pays se relève à peine d’une longue crise politique (2009-2013) qui a impacté la population de manière catastrophique. L’économie malgache est actuellement en reprise, avec une prévision FMI de 4,3% pour 2017, ce qui est néanmoins loin d’être suffisant au regard de la démographie (+2,8% par an) tandis que les capacités financières de l’Etat restent très faibles.
Pour faire simple, Madagascar est dans une situation économique que beaucoup d’experts qualifient de véritable mystère : le seul pays qui s’appauvrit depuis 60 ans sans avoir connu la guerre. De nombreuses causes sont pointées du doigt : la corruption « endémique » qui sévit à tous les niveaux de l’administration, la mauvaise gestion des ressources naturelles, la faiblesse de la société civile et le tabou de la violence… Beaucoup pensent que les choses ne pourraient être pires, mais la triste de vérité est que c’est tout à fait possible et nous sommes mêmes en chemin vers ce « pire ». Alors quelles sont les solutions envisageables ?

Revoyons les bases

Rappelons qu’à Madagascar, l’agriculture est une composante essentielle de l’économie avec 40 millions d’hectares de terre arable et une population à 80% paysanne, le potentiel est énorme. Ainsi, l’agriculture vivrière doit d’abord profiter aux habitants de l’île : l’autosuffisance alimentaire doit être l’objectif premier. Il faut construire une économie tournée vers les Malgaches, sans pour autant négliger les fondamentaux, notamment les cultures d’exportation (vanille, girofle, …) ainsi que les secteurs comme le tourisme.
Il faut aussi promouvoir le marché intérieur pour booster le développement durable en développant notamment les infrastructures de communication et de transport (quid des chemins de fer dans les zones plus enclavées ?), en faisant en sorte à ce que les zones rurales aient accès à l’électrification, en utilisant les énergies nouvelles et l’hydroélectricité. En ce qui concerne l’administration, il faudrait décentraliser les pouvoirs de décision et d’exécution des programmes d’équipement des régions pour que les besoins locaux soient réellement pris en compte.

Faire du développement l’affaire de tous

Une des phrases préférées des Malgaches, face à la situation actuelle, est de déclarer : « Les dirigeants doivent faire quelque chose ! ». Bien que cette affirmation ne soit pas dénuée de vérité, il faut néanmoins éduquer la population à prendre ses responsabilités, et ce, à tous les niveaux. Il faut faire du développement l’affaire de tous, notamment en intégrant la femme à ce processus, en faisant en sorte à ce qu’elle y participe pleinement. Mais pour cela, il faut procéder à la levée de toutes ces barrières qui lui permettront d’être non seulement autonome financièrement, mais aussi intellectuellement. Madagascar ne peut prétendre au développement si rien n’est fait pour identifier les solutions pour combler les disparités homme-femme. Rappelons qu’en Afrique, dans la plupart des secteurs d’activité, les femmes ont encore du mal à trouver leur place.
#Blog4Dev 




vendredi 12 janvier 2018

Bonjour 2018, Bonjour la galère

janvier 12, 2018 0 Comments

Crédit illustration: Tefy Khaita

J'avais promis de ranger mon pessimisme au placard pour cette année. Oui, une nouvelle année signifie de nouveaux espoirs, sinon pourquoi nous souhaiterions-nous tous "Tratry ny taona"* (Bonne année) avec tant d'enthousiasme?

Mais quand 2018 commence par une tempête tropicale transformant la moitié du pays en parc aquatique, il y a de quoi tiquer. Oui, je tique nerveusement quand je vois l'état catastrophique "des routes" (enfin, celles que l'on peut encore appeler ainsi). Mon rictus s'accentue aussi quand je vois le prix du riz qui flambe comme jamais, contraignant de plus en plus de foyers malgaches à trouver une autre denrée de substitution.

Je ne peux retenir un rire nerveux quand je vois que la JIRAMA ne cesse d'augmenter ses tarifs, punissant toute la population pour les années de mauvaise gestion des dirigeants successifs.

Et comme je ne peux pas me coucher en chien de fusil et verser des larmes de frustration, je me contente renifler de dépit devant les "prix" et autres honneurs dont les dirigeants s'autogratifient, notamment pour la "bonne gestion" de l'épidémie de peste. Mais oui, souvenez-vous, cette épidémie ayant amené des mesures drastiques concernant les réunions publiques, qui ont soudainement pris fin quand notre cher président a décidé de partager en grande pompe des kits scolaires pour la rentrée. Comme c'est commode...

Et je ne préfère pas aborder la question des aides "généreusement" offerts au pays pour régler tout cela et dont une partie disparaît mystérieusement, sans qu'on personne n'en fasse mention.
Et face à tout cela, nous pauvres malgaches levons les yeux au ciel, marmonnons un peu... Et c'est tout. Résignés. Abattus. Habitués au pire, nous sommes devenus désabusés. Nous ne protestons plus, nous encaissons.

Malgré tout, je vous souhaite tous, chers lecteurs, une très bonne année 2018, car comme on dit tant qu'il y a de la vie, il y a de l'espoir. Après tout, nous avons encore 11 mois pour arranger les choses et faire de notre mieux, tous autant que nous sommes.
Pela, malgache-pessimiste-mais-pas-trop

mercredi 15 novembre 2017

Les malagasy et la beauté – 2

novembre 15, 2017 0 Comments


Diversifier la définition de la beauté

Nous avons pu voir précédemment un petit tour d’horizon de l’impact des standards de beauté occidentaux dans la société malgache. Nous sommes de plus en plus nombreux (ses) à vouloir entrer dans le moule du corps parfait tant vanté par les médias. Le résultat ? Beaucoup de femmes se sentent mal dans leur peau tandis que d’autres vont jusqu’à se montrer critiques, voires méprisants envers celles qui ne se plient pas ou qui ne correspondent pas à ces standards (Comme certaines attaques contre les filles aux cheveux crépus au sein de groupes de discussion que j’ai remarqué sur Facebook et que j’ai d’ailleurs évoqué ici).

S’affranchir des normes imposées


La beauté ne peut tenir dans un seul carcan et la beauté malagasy n’y fait pas abstraction. Nos différentes ethnies ont chacunes leurs spécificités physiques, qui ne ressemblent à aucune autre. Ce serait dommage vouloir uniformiser cela afin de la faire correspondre à un modèle impossible à atteindre. D’autant plus que le culte de l’apprence physique peut avoir des conséquences catastrophiques. 

 Quid des concours de beauté?  



Les concours de beauté sont des compétitions, mais ils sont aussi des événements sociaux où les participants auront suffisamment de temps pour parler entre eux, partager leur intérêt commun et aiguiser leur esprit de compétition. Ceci dit, l’on peut se poser la question sur leur impact à grande échelle, puisque le public a tôt fait de se dire que s’il ne ressemble pas aux gagnants(es), il n’est pas assez bien physiquement. La solution serait peut être de prendre en compte des critères plus réalistes et qui correspondent mieux aux caractéristiques de la population malgache pour nos concours de beauté et se baser aussi un peu mieux sur l’intellect. 

mardi 14 novembre 2017

Les malagasy et la beauté

novembre 14, 2017 0 Comments


Quand les canons de beauté occidentaux nous font oublier qui nous sommes


La beauté est une affaire de goûts personnels, mais il est indéniable qu’actuellement, il est impossible de ne pas se laisser influencer par les canons de beauté internationaux. Longues jambes, seins et fessiers rebondis, mais pas trop, visage clair aux traits parfaitement symétriques, le tout courroné de longs cheveux lisses. À Madagascar, nous sommes très loin d’y réchapper. Les canons de beauté en vigueur à l’étranger nous atteignent et altèrent notre vision de la beauté. 
Les cheveux crépus ou "Ngita volo", une caractéristique physique qui déplaît encore à Madagascar


Vu sur Facebook : un blog publie une photo d’une « Miss » représentant Madagascar dans un concours international: une jeune fille à la peau noire, ni mince ni grosse, taille moyenne et joli minois: c’est une beauté malgache à 200%. 
Pourtant, les commentaires négatifs sur son physique pleuvent : « Tiens, il n’y a plus de critères de taille pour être Miss maintenant ? » / « Elle à l’air d’une boniche alors que toutes les autres candidates sont belles. Ils n’ont vraiment rien trouvé de mieux pour représenter Madagascar ?» / « Ça ? Une Miss ? Mais elle est grosse ! » / « Elle est grosse, elle est petite, et elle n’est pas belle. Ce n’est pas une Miss ». 

Être malagasy c'est bien ressembler à un vazaha, c'est mieux!

D’abord, je vais passer outre sur la grossièreté et la méchanceté de ces commentaires, car je vais finir par devenir très vulgaire. Penchons-nous seulement sur le fait que la plupart critiquent son apparence physique. Quoi de plus normal direz-vous, c’est un concours de Miss. Et cette jeune femme représente Madagascar, où la taille moyenne des femmes tourne autour des 1m55 (selon l’enquête démographique et de Santé de l’INSTAT). Mais comme on se base sur les canons de beauté occidentaux, on la trouve petite alors que selons nos critères à nous, elle est de taille moyenne, voire même plus grande. 


Pour le tour de taille, c’est pareil. Les femmes malagasy sont généralement de corpulence moyenne, avec plus ou moins de formes. Beaucoup considèrent qu’une miss ne devrait pas avoir de formes, mais plutôt répondre au critère de longues jambes, mince (plus les clavicules sont saillantes et mieux c'est) et sans trop de courbes (que l’on a tôt fait de confondre avec de la graisse).

Et pour ce qui est des cheveux, quoiqu’on en dise, avoir des cheveux crépus est très mal vu par les malagasy, le mot « ngita » (crépu) étant encore très péjoratif et assimilé au fait d’avoir des cheveux laids « ratsy volo », « mahery volo ». En effet, avoir des cheveux lisses est un critère de beauté répandu, rien qu’à voir le succès des produits lissants sur le marché. Tous les malagasy n’ont pas les cheveux crépus, mais ceux qui sont concernés ont vite fait de les lisser, obéissant à une pression de la société, même si cette dernière est indirecte. Les tresses, coiffure traditionnelle de toute beauté, sont encore adoptées certes, mais beaucoup ne les jugent « pas assez jolies» voire même négligées. Petit test, allez à une cérémonie un tant soit peu officielle, vous pourrez compter les femmes malagasy ayant les cheveux tressés sur les doigts. Si les tresses sont revenues en force ces dernières années, ce n’est pas par amour des traditions ou autre cause plus noble. Non, la mode internationale était aux tresses, et nous avons suivi le pas. Point. En sortant d’une coiffure, une malagasy aux cheveux crépus peut s’attendre à toute une panoplie de soins pour lisser, « dompter », ou même camoufler son type de cheveu, mais, à ma connaissance, aucun salon de coiffure ne propose de vous aider à donner toute sa splendeur à votre cheveu afro. 

Enfin, la couleur de peau. Actuellement, la dépigmentation est encore largement pratiquée, avec des méthodes parfois dangereuses pour la santé. Les crèmes  éclaircissantes à base de corticoïdes sont vendues sur les marchés pour celles qui ont des revenus moyens tandis que les plus aisées misent sur un maquillage qui éclaircit leur teint de quelques tons et les soins en institut qui peuvent valoir une petite fortune. 

Les canons de beauté occidentaux sont dans toutes les têtes. Les habits traditionnels ne sont plus portés qu’en de rares occasions, les cheveux crépus se défrisent et les modèles de beauté cités par la plupart des jeunes sont les stars hollywoodiennes. 
Je n'ai rien contre le brushing, le maquillage, les perruques et tout l'attirail dont nous usons pour nous sentir mieux dans notre peau. Non, mon problème réside dans la perte d'identité occasionnés par les canons de beauté occidentaux. La beauté malagasy est très diversifiée: nous n'avons pas tous la même taille, le même type de cheveu et la même corpulence et si nous commencons à nous plier à tout prix aux standards de beauté occidentaux, nous arrivons à des réflexions stupides comme celles que nous avons vues précédemment, à propos de la Miss vue sur Facebook. La beauté est subjective, tout le monde n'en a pas la même vision, ainsi, il est vain de vouloir la faire entrer dans un moule aussi étroit et limité. A bon entendeur...